Déconfinons l’école : tous les espaces fermés, ouvrons-les aux enfants.

Un article de Barbara Cassin et Victor Legendre paru dans Le Monde
Que veut le gouvernement en ouvrant les écoles le 11 mai ? Eviter l’écroulement de la Nation en remettant un maximum de Français au travail. Pourquoi ça risque de ne pas marcher ? Parce que les enfants ne sont que les variables d’ajustement d’une politique volontariste.
Placer la santé et le bien-être des enfants avant l’économie, quoi qu’il en coûte ? Chiche ! Alors inventons et soyons généreux.
Refusons cette double logique d’enfermement : d’abord confinés à la maison pendant 2 mois puis maintenant gardés à l’école jusqu’à l’été. Refusons cette injonction perverse : la reprise des enfants se fera sur la base du volontariat, mais les parents qui refuseront de mettre leur enfant à l’école perdront leur droit au chômage partiel. A moins que le chef d’établissement ne leur fasse un mot d’excuse en reconnaissant qu’il est incapable de faire son devoir d’accueil! Du coup tout le monde a peur. Finissons-en avec cette instrumentalisation de la peur.
Une autre solution est possible : proposer une école ouverte, à mi-chemin entre la rentrée des classes et les vacances. Au lieu de « déconfiner » l’école, en 45 pages de recommandations difficilement tenables qui instaurent de nouvelles contraintes de confinement, ouvrons-la sur le dehors, c’est-à-dire sur la société. Et quand c’est possible, sur la nature.  Changeons de paradigme : refusons d’enfermer.
Les enfants méritent mieux que d’être parqués dans des lieux clos. Les professeurs, les instituteurs, méritent mieux que de faire de la garderie et du flicage. Au lieu d’accueillir à grand peine quelque 15% des effectifs dans des locaux réaménagés à la hâte, ouvrons à tous les enfants les lieux de culture et les espaces de liberté, aujourd’hui inutiles et vidés de leur sens. Dans le strict respect des règles sanitaires, ouvrons pour eux les bibliothèques, les musées, les théâtres, les salles de cinéma, les parcs et les jardins, les complexes sportifs, les plages, avec les personnels et les professionnels qui sont aujourd’hui au chômage partiel. Tous ceux qui savent et peuvent travailler avec les enfants, des assistants maternels aux enseignants et aux bibliothécaires, des éducateurs sportifs aux moniteurs et aux animateurs de centre aéré, des gardiens de parc ou de musée aux intermittents du spectacle, faisons-les tous participer à ce grand projet.
Les élèves décrocheurs, ceux qui sont sortis des radars virtuels, auront l’occasion de voir et d’aimer ce qu’ils n’ont peut-être encore jamais vu. La culture pour tous, c’est le moment! Prônons un déconfinement par l’ouverture totale de ce qui leur est si souvent fermé. Faire ainsi accéder au monde, c’est réduire les inégalités sociales. Les parents éduquent et l’école instruit ? Peut-être. Mais, pendant cette crise, oublions l’évaluation et la compétition, mélangeons les cartes. Proposons une réponse collective. Vacances ou pas vacances, changeons de rythme, inventons ! Que, dès le 11 mai, l’école ouverte commence. Et, à la fin de cet épisode de pandémie, nous aurons marqué les esprits.
A cette question : que faire des enfants ? Une réponse : fabriquons un aujourd’hui qui ne ressemble pas à hier, ouvrons-leur le monde. On parle du monde d’après, mais c’est aujourd’hui demain!

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