Château Robert : le procureur ouvre une enquête

la zone boisée massacrée par la construction des villas (ici, une seule des deux villas de 1 000 m2 chacune)

Le Procureur de Grasse a ouvert une enquête préliminaire fin juin, suite à la plainte déposée par Jean-Noël Falcou (EELV) et les associations apolitiques Anticor 06 (lutte contre la corruption) et ADEGV (défense de l’environnement) dans l’affaire du Château Robert.

Nous nous félicitons de l’ouverture de cette enquête préliminaire, qui démontre que les faits reprochés ne sont absolument pas prescrits, notamment en ce qui concerne le recel et toutes les opérations « occultes » ou « clandestines » (détournement de fonds, trafic d’influence, favoritisme, corruption).

Nous espérons être entendus rapidement dans le cadre de cette enquête afin d’apporter quelques précisions au Procureur.

Par ailleurs, nous attendons avec impatience les éclaircissements de certains acteurs, dont ceux de M. Gumiel qui a affirmé n’avoir jamais correspondu avec l’émir alors que nous possédons plusieurs lettres entre lui et l’émir ou ses représentants.

Cependant, nous insistons sur le fait que cette enquête préliminaire n’est qu’une étape intermédiaire logique : nous attendons surtout que des poursuites soient engagées dès que possible, afin que justice passe.

 

Comme l’a révélé Médiapart ce vendredi 15 juin, Jean-Noël FALCOU, membre d’EELV, a déposé le 23 mai 2012 une plainte contre X dans l’affaire du Château Robert, aux côtés des associations apolitiques ANTICOR 06 (lutte contre la corruption) et ADEGV (défense de l’environnement).

Cette plainte pour détournement de fonds publics, corruption, recel, trafic d’influence et déclassement illégal d’espaces boisés classés à protéger ou à créer vise à sanctionner les graves détournements de pouvoir impliquant la municipalité de Vallauris, l’entourage et/ou l’émir saoudien AL SAUD fils du roi FAHD, et les services de l’Etat, dans l’affaire du Château Robert.

 

Résumé des faits

Mohammad BIN FAHD BIN ABDULAZIZ AL SAUD, fils du roi Fahd, neveu de l’actuel roi d’Arabie Saoudite, possédait 13 hectares de zone naturelle protégée à l’ouest du Golfe-Juan.

Dès 2005 (échanges de courriers), lui et le maire UMP Alain GUMIEL s’entendent en dehors de tout processus démocratique et au mépris des lois : l’émir obtiendra la constructibilité d’une partie du terrain, en échange de quoi il donnera 9 hectares de zone naturelle à la mairie.

En 2006 le PLU est modifié pour satisfaire l’émir, avec l’accord de la Préfecture (sous-préfet SERRA et préfet VIAN) alors que les procédures légales ne sont absolument pas respectées ; en 2007, le permis de construire pour 2 villas de 1000 m2 habitables chacune est accordé ; en 2008, la ville achète les 9 hectares promis pour la somme de 300 000 € (somme proposée par le Maire alors que l’émir voulait donner le terrain), le maire niant toujours le rapport de cause à effet entre ces deux opérations ; ces villas sont aujourd’hui à la vente pour 60 millions d’euros (terrain de 4 hectares dont 2,5 constructibles) !

Toutes ces opérations ont eu lieu dans un contexte de vente d’armes entre la France et l’Arabie Saoudite, l’émir en question, gendre du ministre de l’intérieur saoudien, étant un habitué des rétrocommissions et de la corruption (il avait déjà offert une Rolex de 50 000 € au précédent maire pour l’inciter à passer son terrain constructible). Les présomptions de corruption sont donc extrêmement fortes.

Teneur de la plainte déposée

1/ Le caractère frauduleux du déclassement de la zone naturelle est incontestable

a) La loi prévoit deux possibilités pour céder un terrain protégé à une collectivité :

-  soit la collectivité peut offrir gratuitement un terrain à bâtir au propriétaire en échange de la cession du terrain en espace boisé classé à protéger ou à créer. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé.

-  soit la collectivité peut autoriser le propriétaire à construire sur une partie du terrain (10 % maximum, ce qui n’est pas le cas ici), en échange des 90 % restant (ce qui n’a pas été fait puisque le terrain restant a été vendu et non pas donné). La valeur du terrain bâti ne doit pas excéder celui du terrain donné (ce qui n’est pas le cas ici) et, surtout, cette autorisation doit être donnée par le Ministre, en aucun cas par le maire (ce qui n’est pas le cas ici).

b) Les 4 hectares restant à l’émir ont été placés en zone constructible UCd, même la partie espace boisée, qui aurait du être située en zone NL. Le COS qui s’applique à l’espace boisé inconstructible est alors transférable sur la partie constructible, ce qui a permis à l’émir d’augmenter la charge de construction. C’est audacieux…

La mairie n’a pas respecté la procédure légale.

La Préfecture, via le contrôle de légalité, a avalisé une telle énormité que nous ne pouvons croire que c’est une erreur d’étourderie.

Surtout, ce déclassement ne répond à aucun intérêt général, ce qui constitue un détournement de pouvoir.

2/ Le détournement de pouvoir est manifeste et étayé par des documents

-  le Canard enchaîné a publié deux lettres accablantes entre l’émir et le maire. L’émir : « Dès l’obtention de l’accord officiel sur cette restructuration, nous nous engageons à céder gracieusement à la mairie le bâtiment du château Robert ainsi qu’une parcelle de 8 hectares environ (du parc) dont nous pourrons définir le tracé d’un commun accord ».

-  nous possédons trois autres lettres, dont la lettre en réponse à celle citée ci-dessus. Le maire : « Comme suite à votre courrier du 19/08/2005, par lequel vous nous proposez de céder à notre collectivité une partie de la parcelle de l’assiette du château Robert, pour une superficie d’environ 8 hectares, j’ai le plaisir de vous annoncer que la commune de Vallauris Golfe-Juan se porte acquéreur desdites parcelles ». Nous sommes en 2005, soit avant la modification de PLU !

-  nous possédons également un plan annexé au permis de construire des villas (2007, soit avant toute proposition d’achat officielle des 8 à 9 hectares, acté en conseil municipal plus d’un an après), divisé en deux parcelles où il est écrit à la main : « terrain de son altesse Mohammad Bin Fahd Bin Abdulaziz Al Saud » et, à droite, « futur terrain commune de Vallauris ».

3/ Le prix d’achat du terrain

Les échanges de courriers prouvent que c’est le maire qui propose un prix d’achat de 300 000 € pour un terrain que l’émir voulait donner… et alors qu’il avait été estimé à 900 000 € par les domaines !

Nous sommes en droit de nous demander pourquoi il y a eu échange d’argent alors qu’il n’aurait pas du y en avoir ? Volonté de masquer le rapport de cause à effet des opérations immobilières (déclassement d’une partie du terrain et don de l’autre partie) ? Corruption ?

4/ Les qualifications pénales

-  Trafic d’influence  : trois qualifications entrant dans ce cadre qui visent directement les élus municipaux de la majorité : « avantages accordés à autrui », « l’influence » et « les décisions favorables ».

-  Détournement de fonds publics  : puisque la mairie a dépensé indûment de l’argent public (si la mairie avait respecté la procédure légale, la collectivité n’aurait rien dépensé et aurait récupéré un terrain plus grand).

-  Recel de détournement de fonds publics puisque le terrain acquis frauduleusement par la municipalité est toujours en sa possession.

-  Trafic d’influence commis par des particuliers : vise l’émir qui a été très pressant.

-  Corruption : aucune preuve mais une forte présomption. Nous incitons le Procureur à enquêter en ce sens.

 

Communiqué de presse d’EELV

EELV dénonce la destruction de 2,5 hectares de zone naturelle, au mépris de l’intérêt général, en violation des procédures légales ; affaire qui a coûté plus de 300 000 € au contribuable tout en permettant une plus-value de plusieurs dizaines de millions d’euros à l’émir.

EELV agit pour que les fautifs soient sanctionnés afin que de tels scandales ne se reproduisent plus.

Puisque Monsieur Gumiel, maire UMP de Vallauris, a toujours refusé de s’expliquer devant la presse ou devant les vallauriens, il devra répondre de ses actes devant le juge, notamment en apportant des réponses à ces questions simples :

-  Pourquoi M. Gumiel et sa majorité ont-ils rendu constructible la zone boisée protégée où l’émir a fait construire ses villas ? Au nom de quel intérêt général ?

-  Pourquoi la ville a-t-elle laissé 1,5 hectare du parc du Château Robert à l’émir ?

-  Pourquoi la majorité de M. Gumiel a-t-elle mis un indice de constructibilité sur la partie inconstructible du parc de l’émir, si ce n’est pour lui permettre de bâtir de plus grandes villas ? Au nom de quel intérêt général ?

-  Pourquoi la ville a-t-elle proposé un prix d’achat de 300 000 € pour le parc du Château Robert alors que l’émir proposait de le donner, vu l’énorme plus-value dont il allait bénéficier ?

-  Pourquoi s’être entendu avec l’émir, comme le prouvent les lettres entre l’émir et le maire, avant et en-dehors de tout processus démocratique ?

Le Préfet et le sous-préfet de l’époque (MM. VIAN et SERRA) devront également expliquer pourquoi le contrôle de légalité a laissé passer ce déclassement de zone naturelle manifestement frauduleux.

L’émir devra répondre de ses pressantes demandes et propositions d’arrangements avec les maires de la commune en-dehors du processus démocratique légal.

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